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Le Calypso - Histoire d'Atria

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Le Calypso - Histoire d'Atria Empty Le Calypso - Histoire d'Atria

Message  Atria 12.11.12 18:57

Elle regardait le grand homme, debout à ses côtés. Il fixait au loin, les yeux perdus dans l’horizon, les sourcils froncés, la bouche pincée en une moue déterminée.
Il sentait le regard empli de dévotion de l’enfant qui se tenait à ses côtés et dont les mouvements étaient parfaitement accordés à la houle qui frappait la coque.

- Un jour, tout ceci sera à toi, lança-t-il brusquement.

Sa main quitta la barre pour venir se poser sur l’épaule frêle de la fillette, l’autre balayant l’étendue du navire où l’équipage s’affairait en prévision de la tempête qui s’annonçait.

La petite déglutit péniblement. Elle savait ce que signifiaient ses paroles et se refusait à y penser. Elle n’osait imaginer perdre cet homme. Même si, elle en avait bien conscience, ce jour arriverait. Toujours trop tôt.

- Et cesse de me fixer ainsi, Atria. Aucun homme ne mérite plus d’attention que ce bateau. Tu m’as bien entendu ? Aucun.

Elle détourna les yeux, honteuse, sentant au-delà de la sagesse, toute l’amertume qu’il ressentait. Elle voulut s’excuser mais il ne s’intéressait déjà plus à elle. L’océan était le grand amour de sa vie. Il l’avait toujours été, même lorsqu’il était marié. Bien sûr, il aimait sa fille. Autant qu’un pirate de son envergure le put. Il voulait assurer la pérennité de sa lignée, la survie de l’entreprise de toute une vie, des générations entières qui l’avaient précédé. Il avait été élevé ainsi, comme son père et son grand-père avant lui, et il n’aurait pu imaginer qu’il en fut autrement.

Seulement, Atria n’était pas lui. Tout simplement parce qu’elle n’était pas un homme. Il la savait capable mais connaissait les limites de son sexe. N’était-ce pas pour cela qu’on le qualifiait de « sexe faible » ? Il craignait qu’elle ne finisse par se laisser berner par quelque type mal intentionné, plus intéressé par ses biens que par sa personne. Aussi lui faisait-il souvent ce genre de remarques.

Il profita qu’elle exécutait son dernier conseil pour lui jeter un coup d’œil en biais : les premiers signes de la puberté commençaient à apparaître. Sa silhouette s’allongeait, ses formes se dessinaient. A à peine treize ans, elle attirait déjà les regards des matelots qui ne voyaient plus en elle l’enfant qui avait grandi parmi eux. Elle n’y prêtait guère attention mais lui, si. Il réprima un soupir de frustration.
Altor croyait au destin. Il n’avait plus qu’à espérer que celui-ci serait du côté de sa fille.



-¤-

Atria sentit le sable sous ses doigts, symbole de son salut.
Elle rampa jusqu’à un endroit sec où, quand enfin sa tête ne lui tourna plus, elle put se redresser. Elle observa le lointain. L’horizon était pourpre, comme ensanglanté, sans nulle trace d’activité humaine.

Hébétée, elle continua de regarder jusqu’à la nuit tombée, sans bouger, se remémorant la scène dans les moindres détails.



-¤-

- Allons, mon ange, la planche n’est pas le pire des supplices. Qui sait ? Tu pourrais peut-être t’en sortir.

Marel la toisait de son regard mauvais, celui qu’il réservait d’habitude aux ennemis durant l’abordage. Elle réalisa à cet instant à quel point elle avait été dupée.

Le bois craquait sous ses pas tandis qu’elle reculait, contrainte par la lame d’un sabre pointé vers son estomac. Les poings liés par une corde serrée, elle osa un regard plus bas. La mer se déchainait face à la tempête qui s’annonçait. En haut, le ciel s’était assombri, comme si les dieux réprouvaient l’acte que Marel s’apprêtait à commettre.

Marel.
Le quartier maître de son père.
Son homme de confiance.
Le mari d’Atria.
Qui venait de provoquer une mutinerie, de tuer Altor et allait la jeter à la merci des eaux.

Sans aucun scrupule.

Les quelques membres d’équipage qui avaient refusé de prendre part à la mutinerie étaient à présent alignés en rang sur le pont. Le nouveau capitaine voulait qu’ils assistent à la disparition de l’ultime membre de la famille Médrion. Tout comme ils avaient eu l’honneur d’être témoin du cadavre de leur capitaine bien-aimé largué par-dessus bord en pâture aux requins, tel un vulgaire tuberculeux, sans aucun égard. Atria n’avait pas lâché une larme.

Elle n’en avait pas eu le temps.
Déjà, on la poussait sur la planche.


- Je te retrouverai, Menisphos, cracha-t-elle alors que son talon rencontrait le vide. Et je te ferai payer ce que tu as fait. Profite de ta victoire car elle sera de courte durée.


Elle ne lui laissa pas le loisir de répliquer. Elle abandonna toute résistance et se laissa tomber en arrière. Elle sentit la morsure glacée de l’océan traverser ses vêtements et ses os, échappant les quelques bulles d’air qu’elle avait pu retenir avant son plongeon.


Marel observa un moment l’onde troublée par la chute de sa femme. Bientôt ne subsista que le remous ordinaire des vagues. Il sourit, satisfait.
Enfin, il se tourna vers l’équipage. Son équipage.


- Eh bien, messieurs … Le Calypso est à nous !


D’abord hésitants, les mercenaires finirent par lever leurs lames à leur tour.


- IN MARE VERITAS !



-¤-
Atria avait nagé sous l’eau, retenant son souffle. Ainsi molestée par les flots, elle avait lutté de longues minutes, poings liés, afin de s’éloigner du navire.

Mais bientôt, l’air lui manqua. Elle revint à la surface pour constater que le Calypso lui montrait désormais sa poupe, insouciant de son sort.
Elle risqua un regard autour d’elle. Ils avaient amarré bien au large, elle le savait. Et elle savait aussi qu’ainsi entravée et avec la tempête qui s’annonçait, elle ne parviendrait jamais à rejoindre une côte avant que ses forces ne s’épuisent.

Elle allait mourir ici, charriée par les eaux tumultueuses, orpheline et déshonorée.

Elle sentit l’abattement la gagner et elle hésita à se laisser couler. Peut-être était-ce tout ce qu’elle méritait, après tout ? Elle repensa au dernier regard que lui avait adressé son père. Derrière le choc provoqué par le sabre qui le transperçait, elle avait lu la douleur. Et la déception.

Elle ferma les yeux. Sa tête s’enfonça dans l’eau.

Et puis, alors que les bulles s’échappaient d’entre ses lèvres, elle se souvint. Elle se souvint de qui elle était. De ce qu’elle était.

Une partie de son héritage qu’elle avait toujours renié, comme le lui avait ordonné Altor depuis que sa mère les avait quittés. Ainsi qu’elle l’avait elle-même décidé le jour où elle avait trouvé la cabine de Cylia vide, dix ans plus tôt.

Une partie d’elle-même lui hurlait qu’il valait mieux mourir plutôt que de transgresser cette règle tacite. Mais une autre partie, qu’elle sentait envahir l’autre un peu plus à chaque seconde, lui insufflait le contraire.
Et alors que son dernier souffle de vie filait, elle l’entendit. L’appel de la mer. Une sorte de chant étrange et mélodieux. Impérieux. Plus fort qu’elle. Plus fort que les stigmates de son éducation.

Elle recommença à respirer. Et se mit à nager vers les côtes.



-¤-

L’océan n’était plus qu’une étendue sombre lorsqu’enfin, elle retrouva totalement ses esprits et eut accusé le coup de sa longue journée.

Elle tenta de se remettre sur ses jambes. Echoua. Tomba à genoux.

Elle baissa le nez pour jeter un œil à ses cuisses dont les pantalons étaient en lambeaux. Dans la lumière de la lune, elle put apercevoir le reflet des quelques écailles qui subsistaient encore sur ses jambes. Elle s’assit et acheva de déchirer le tissu. Au fur et à mesure, les signes de son tribu s’estompaient et elle sentit ses muscles répondre à ses ordres.

Cependant, alors qu’elle se levait d’un pas assuré, quelque chose attira son attention.
Sur sa jambe droite, se mouvant tel un flot d’encre noir, apparut un dessin qui la fit frissonner. Elle l’avait déjà aperçu sur le corps sa propre mère.
Lorsque la petite fille s’était enquise de cet étrange tatouage, Cylia lui avait donné une explication nébuleuse.


- Toi aussi, un jour, Atria, tu répondras à l’appel des eaux profondes. Par choix ou par défaut. Et ce jour-là, tu leur appartiendras pour toujours.


La petite pirate n’avait pas compris. Elle appartenait déjà à la mer. Elle était née sur un bateau et y vivait depuis toujours. Comment pouvait-elle être davantage dépendante d’elle ?

Désormais, alors que la chaîne s’enroulait autour de sa jambe et que le trident naissait en haut sa cuisse, elle sut. Elle avait encore en mémoire les sensations de sa nage frénétique à travers les flots.
Si elle se concentrait, elle pouvait entendre que ceux-ci l’appelaient, lui enjoignaient d’y retourner.

Elle détourna le regard de l’océan.
Ses sourcils se froncèrent en une moue déterminée.

Poséidon attendrait. Elle avait quelqu’un à aller récupérer.



-¤-


Caleb Silar était né à Hyrule. Il avait grandi, entouré de ses parents et de ses trois sœurs, dans une petite maison des quartiers pauvres.

C’était donc tout naturellement qu’il avait fait son service militaire deux ans plus tôt et qu’il avait rejoint l’armée du Roi. Cela faisait à peine deux semaines qu’il avait été affecté à la prison d’Hyrule et il n’était pas ravi de son sort. Il aurait largement préféré un poste plus prestigieux mais vu ses faibles compétences en combat, il n’avait pas pu espérer mieux.

Pour autant, il n’avait aucune envie d’en finir avec la vie et il dut être bien heureux, une fois qu’il eut expiré son dernier souffle, que la mort vint le prendre avec tant de rapidité.

Il eut une dernière pensée pour Eugénie, la jolie fille de bonne famille qu’il avait demandé en fiançailles la veille au soir et qui avait accepté, car juste avant que ses yeux se voilent et tandis qu’il s’effondrait sur le sol, il aperçut une silhouette féminine qui l’enjambait.

Le prisonnier que Caleb gardait jusqu’à cet instant crucial venait d’être condamné à la pendaison pour « acte de piraterie ». Il avait été dénoncé, ainsi que cinq autres, par un corsaire du nom de Menisphos. Ce dernier affirmait avoir abordé le Calypso, tué le Capitaine et alors qu’une partie des matelots avait accepté de se ranger, d’autres avaient refusé de renoncer à la Piraterie.

Pour sa bravoure et son sens de la justice, le corsaire avait été remercié. On lui avait laissé le navire ainsi que l’équipage et en échange, il s’était engagé auprès du Roi à rendre les prisonniers aux autorités.

On avait enfermé les pirates dans diverses geôles de l’Empire. Deux avaient été promis à la potence, deux autres au travail forcé et les deux derniers avaient été vendus comme esclave. Juste répartition.

C’était donc le plus gradé d’entre eux qui attendait la corde, quand le bruit d’un corps chutant sur le sol lui fit redresser la tête. Une forme féminine se dessina aux portes de la cellule. On introduisit une clef dans la serrure et la grille hurla sur ses gonds.
Le condamné à mort réprima un hurlement lorsqu’il reconnut son sauveur. Ou plutôt, sa sauveuse.


- Mademoiselle … Atria !


La jeune femme retira son tricorne, dévoilant un sourire espiègle, avant d’aller le libérer de ses chaînes.


- Moi aussi, je suis ravie de te voir, David.


Mac Bernick se redressa péniblement, frottant ses poignets tuméfiés. Il voulait savoir comment elle s’en était sortie, comment elle avait pu arriver jusqu’à lui, après toutes ces longues semaines, alors qu’elle était une femme, alors qu’elle n’avait pas la moindre pièce d’argent …

Et puis il se rappela qu’elle était la fille d’Altor.
Alors, au lieu de ça, il demanda :


- Que faisons-nous … Capitaine ?


Devant ce nouveau titre, qui aurait toujours dû lui appartenir, si son père ne s’était pas montré aussi misogyne, têtu et réticent, le sourire d’Atria redoubla.
Elle posa une main sur son épaule, se poigne trahissant sa volonté de fer.


- Nous allons trouver un navire. Ensuite, nous irons récupérer nos collègues. Et pour finir, nous retrouverons ce fils de pute, ainsi que le Calypso.


Ce fut au tour des lèvres de David de tressaillir. Il sentait toute l’adrénaline de ces combats anticipés le gagner.

Il le sentait, le vent allait tourner en leur faveur.
Atria
Atria

Pays : Féerie
Titre : La Torture

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