La Mort d'Heebra

An 1000 – Village fortifié de Cocorico

Avec un léger soupir, Hynesbra vient s’appuyer sur l’encadrement de l’unique fenêtre rudimentaire de sa maison. Elle avait encore soigné trois rages de dents, réparer la patte cassée d’une mule et aidé cette traînée de Lili à accoucher de ses triplés. Elle avait la migraine, comme à chaque fin de journée. Guérisseuse n’était pas la carrière la plus captivante et reposante du monde mais pour une femme, entre prostitué et ça, le choix était vite fait.
Hynesbra entrouvrit un de ses brillants yeux verts. Le sol… vibrait. Ca n’était pas normal. Intriguée, elle sortit de sa maison. Les gens criaient et courraient, pourtant ne voyait-il pas qu’elle avait mal au crâne ?!
Mais ses idées brouillées par la fatigue se rétablirent vite quand la main calleuse de Foral, celui que les Anciens du Village avaient choisi pour la ‘protéger’ et qui passait son temps à courir les jupons, attrapa précipitamment son poignet.
« On s’en va.
-De quoi ? Mais qu’est-ce qui se passe ici, bordel de m… »
Le reste de sa phrase se perdit dans la bousculade où l’entraînait le bretteur.
« Les Orcs arrivent. Cours. »
Les jambes de l’Elfe suivaient mécaniquement le mouvement. Elle n’avait plus si mal à la tête au final. En mille ans, il n’y avait jamais eut de telle panique au village et il fallait qu’ils se fassent attaquer en pleine soirée…
« Attends Foral ! Mais ralentis crétin ! Je suis sensée allé aider, c’est mon boulot !
-C’est à cause de ces putains de conneries qu’on m’a engagé, pauvre cloche. »
Inutile de se demander où Hynesbra avait appris à jurer.
Ils arrivaient enfin au tout petit port du Village. Si la population la plus banale fuyait dans les montagnes, il avait été convenu que la Guérisseuse prendrait le large pour aller se réfugier dans la Glorieuse Ville d’Hyrule, sa magie ayant plus de valeur que tout le reste dans son village. Foral commença à affréter la barque et Hynesbra déglutit et remercia les Déesses de savoir nager correctement.
Les hurlements d’effrois et de douleurs retentirent peu de temps après le bruit assourdissant de la porte principale cédant sous les assauts des Orcs. Foral grogna et manqua de tomber à l’eau dans sa précipitation.
« Merde, ils sont déjà là…. Allez, embarque. »
Les longues oreilles de l’Elfe entendirent le sifflement des flèches avant le mercenaire et elle eut à peine le temps de se glisser derrière un muret. Les Orcs sont peut-être des créatures stupides, mais au moins ils visent bien. Lorsque Hynesbra rouvrit les yeux, tremblante, et sortit de sa cachette, elle retint un cri d’effroi devant le corps criblé de flèches de Foral. Merde. Des bruits de sabots derrière elle.
« Moins d’une demi-heure, Seigneur. Je crois que c’est notre meilleure temps depuis ce campement de pêcheur… Oh. Sieur le Comte… Il reste une fille là. »
Hynesbra se retourna lentement et fit face aux deux cavaliers et ses jambes se mirent à trembler. Il y avait un Orc sur un cochon baveux et un autre Elfe. Un seigneur Drow sur un destrier noir, la peau foncé et les cheveux roux. Mais c’est le symbole de la Triforce renversée et les yeux verts si semblables aux siens qui firent trembler la Guérisseuse. Le Drow, aussi surpris qu’elle, descendit de sa monture.
« Et bien, si je m’attendais à ça. »
Il avança vers elle et elle recula aussitôt, jusqu’à ce qu’elle sente la fin des docks sous ses pieds et que l’eau trempe le bas de sa robe de laine blanche.
« Mille ans de traque. C’était franchement long. Sympa ton village. »
Elle avait la nausée, et même lorsqu’il dégaina son sabre, elle n’esquissa pas un mouvement. Elle savait qu’elle n’avait aucune chance, autant mourir digne devant ce type qui était… vraiment… familier.
« Finissons-en. »
Elle n’eut même pas le temps de crier, ni même battre des paupières. Elle était morte avant d’avoir touché le sol. Un sabre Gerudo en plein cœur ne pardonnait pas. Le Drow essuya sa lame sur la robe blanche de Guérisseuse d’Hynesbra.
« Ma chère fille… »
Il lui ferma les yeux en riant d’euphorie, remonta sur son cheval et partit du village en cendres avec son armée.

Quel champ de ruines ! Vraiment efficaces ces Orcs. Merwyn, tout en se tordant les pieds dans les gravas, se disait qu’il fallait qu’il essaye d’en recruter quelques uns pour sa garde personnelle. Ah, la voilà ! Couchée au bord des quais du port, elle avait le bout des doigts de sa main droite qui effleurait l’eau. Elle avait l’air de dormir tranquillement… Enfin, si l’on oubliait le trou béant de sa poitrine et sa robe rouge de sang. L’Archange la prit délicatement dans ses bras. Si elle était glacée, parfaitement morte, le bout de ses doigts fins se crispa un instant.
Bientôt.